Ne demandez pas à Masa’ ce qu’il fichait dans la salle de bains des filles à ce moment-là, parce qu’il ne saurait même pas vous répondre !
En effet, à Arienai, les filles et les garçons étaient séparés pour les cours, pour les douches et pour les dortoirs. Pour les deux derniers, cela semblait évident, toute école normale fonctionnait ainsi, cependant pourquoi séparer les élèves en cours ? Tout simplement parce que si on les mélangeait, c’était la baston assurée ! Ces enfants turbulents passaient leur temps à se mettre sur la gueule, que ce soit verbalement ou physiquement. Masa’ était vif d’esprit, mais pas assez pour tenir une joute verbale, ce n’était pas du tout sa tasse de thé. Disons que son vocabulaire était assez limité, et qu’il avait tendance à agir avant ou au lieu de réfléchir. Et pour entretenir de bonnes joutes verbales, il fallait avoir l’art de moucher une personne sans avoir recours aux pires noms d’oiseaux existants, ce qui n’était pas le cas de notre Kinzoku.
Bref, revenons à nos moutons, que fichait donc le jeune homme chez les filles ? D’une, il était perdu dans ses pensées, et il marchait sans vraiment regarder où il allait. De deux, une chose qu’il essayait de dissimuler du mieux qu’il le pouvait, il avait un sens de l’orientation vraiment médiocre et avait tendance à se perdre n’importe où. Ce genre de situations arrivaient fréquemment avec lui.

Au bout d’un moment, il leva la tête et regarda autour de lui. Perplexe, il fronça les sourcils. Non, vous n’hallucinez pas, il était en train de se demander où il avait atterri. Il avait bien compris que c’était les douches de l’internat, mais certainement pas celles où il prenait la sienne en général. Soupirant, il se passa un main dans les cheveux, il fallait décidément qu’il remédie à son sens de l’orientation pitoyable, parce que sinon ça n’allait pas aller !
Prêt à tourner talons pour regagner l’internat masculin, ayant envie de piquer un roupillon avant d’aller manger – puisque de toute façon il ne faisait pas ses devoirs, il s’arrêta net lorsqu’il tomba nez à nez avec une jeune fille simplement vêtue d’une serviette de bain enroulée autour de son corps mince. Tout garçon aurait réagi de manière perverse en regardant la jeune femme à moitié nu, et bien sûr qu’il ne se gêna pas pour la reluquer un instant, mais il s’arrêta net lorsqu’il constata qu’il était devant Aoki Nijina.

« Quoi, tu as quelque chose à dire ? »

Nijina était l’une des rares personnes avec qui Masa’ s’entendait à peu près dans cette école de fous, peut-être parce qu’il la connaissait depuis le collège et que forcément, ça créait des sortes de liens. Il était plus calme lorsqu’il était collégien, bien qu’il aime se battre aussi. Nijina, c’était le contraire. Voyez-vous, au collège elle se battait tout le temps, une vraie Yankee dans toute sa splendeur, ce qui avait surpris le jeune homme. Leur collège était très banal, un établissement public où régnait l’ordre et le respect. Voir une fille se battre ainsi l’avait grandement surpris, mais ce qui l’étonnait le plus, c’était que désormais elle se laissait faire, et ne répondait plus aux coups portés. Et ça, il ne le comprenait pas.

‘‘ Ouais, j’ai quelque chose à dire. Si tu continues à te balader comme ça, ya bien un mec qui va essayer de te violer. On n’est plus au collège là, tu sais comment fonctionne Arienai ! ’’

Non, il n’était pas spécialement énervé, mais il était toujours froid avec tout le monde quand il parlait, même avec les gens qu’il tolérait un minimum. C’était sa manière de se comporter, les seules personnes avec qui il n’avait pas cette froideur dans le regard et la voix étaient sa mère d’adoption et son défunt père. Ca ne faisait pas beaucoup de monde, vous ne trouvez pas ?

‘‘ Qu’est-ce que t’as fait de tes fringues ? Tu les as mangées ? ’’

Il ricana, quelle blague stupide, mais il s’en fichait. Il n’était pas du genre à faire la conversation, il allait donc passer son chemin, mais avant cela, il voulait savoir quel motif poussait Nijina à se balader à moitié à poil dans les salles de bains. Ok, il n’avait rien à faire chez les filles, mais il savait très bien qu’il n’était pas le seul mec à se balader dans le ‘ territoire ennemi’ pour aller mater. Un homme restait un homme, quoi qu’il arrive.

Hj – désolée, c’est un peu beaucoup merdique là.

Il avait bien compris qu’il se trouvait actuellement chez les filles, sinon il n’aurait pas trouvé Nijina en petite tenue sortant fraîchement d’une cabine de douche ! Il était peut-être complètement étourdi, assez pour s’être retrouvé ici sans s’en rendre compte, mais il n’était pas stupide pour autant. Qu’importe, ce n’était pas très sympa de sa part de réagir aussi sèchement ! M’enfin, il faut avouer que sa phrase à lui n’avait pas non plus été des plus accueillantes. Cependant, ce n’était pas parce qu’ils étaient actuellement dans l’aile réservée aux filles qu’il était strictement impossible d’y croiser d’autres garçons. En effet à Arienai, c’était un peu différent, les élèves ne respectaient pas grand-chose au sein de l’établissement et les garçons de l’école aimaient bien aller jouer des mauvais tours aux filles afin de leur faire peur. Ce qui était le plus surprenant ici, c’était que toutes ne réagissaient pas comme les lycéennes timides que l’on rencontrait dans les lycées banals, mais la plupart ripostaient à la mauvaise blague, soit physiquement, soit en hurlant. Dans tous les cas, très peu se laissaient faire par leurs adversaires et en général elles avaient du répondant et du potentiel. Mais voilà, Nijina ici présente faisait justement partie de ceux qui ne ripostaient pas, ou plutôt plus aux attaques diverses. Alors, les gens pouvaient lui faire ce qu’ils voulaient, elle se laissait faire. Il ne comprenait pas ce radical changement d’attitude depuis la première fois qu’il l’avait aperçue au collège. De ce fait, il avait l’impression que quand il en avait l’occasion, il devait faire en sorte qu’elle ne se fasse pas importuner par les autres, mais ça, il se gardait bien de le dire, il avait sa fierté après tout.

On lui avait piqué ses fringues ? Alors même les filles n’avaient aucune morale entre elles ? Car, des garçons qui cherchaient à taquiner les filles, cela pouvait encore se comprendre, ce genre de phénomène était assez banal et se croisait un peu partout, mais il était aussi vrai que les filles entre elles étaient de vraies chipies. Commères, elles parlaient dans le dos des unes et des autres, mais de là à aller piquer les vêtements d’une de leurs camarades qui se douchait, c’était un peu vache quand même.

‘‘ Vous êtes vaches entre vous, vous les filles ! ’’

Il soupira. Il était plutôt calme aujourd’hui, le Masa’. En général il était assez vif et agressif quand il parlait aux gens, mais là il était plutôt d’humeur nonchalante, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon d’uniforme qu’il n’aimait pas du tout mais qu’il continuait de porter malgré tout. M’enfin, Nijina lui demanda donc de la laisser passer afin qu’elle retourne dans sa chambre se changer, puis ajouta sèchement qu’il ferait de se rendre dans une partie commune ou du moins de quitter cet endroit avant d’avoir des ennuis et de risquer un renvoi. Elle n’avait pas tort, mais parfois Kinzoku pouvait avoir quelques bons côtés et pour le coup, il ne comptait pas laisser la jeune fille dans le pétrin. Il trouvait ça relativement injuste qu’elle se retrouver à traverser la moitié de l’école en serviette de bain et risquer de se faire aborder par un groupe de garçons aux idées pas nettes du tout qui lui feraient du mal, tout ça parce que des sales vipères lui avaient piqué ses fringues. Non, vraiment, c’était injuste. Alors il allait l’aider.

‘‘ C’est quel numéro, ta chambre ? ’’

Il la fixait, le reg ard sombre et inexpressif. Il n’était pas dans ses habitudes de jouer les preux chevaliers au secours de sa dame, ni même d’aider quelqu’un en général. Il n’y avait qu’avec sa famille ou avec les jeunes enfants qu’il croisait dans les rues d’Ôsaka qu’il était aimable et généreux. Cela lui arrivait également d’aider les personnes âgées à traverser la route, mais voilà, avec les gens de son âge et de son lycée il était tout sauf serviable. Alors pourquoi ce soudain acte de charité ? Tss.

‘‘ Reste là, dans une cabine de douche, et je vais te chercher des fringues propres. Ca m’ennuierait que des mecs de ma classe ou d’une autre classe te tombent dessus et te harcèlent à cause de ta tenue très … indécente. ’’

Il avait dit ça à voix basse, comme si ça le gênait d’avouer qu’il comptait l’aider à s’en sortir sans trop d’encombres.

HJ – du coup, je me suis à peu près adaptée à ta réponse, c’est donc un peu court aussi >< et désolée du retard ! =/

Elle ne réagit pas plus que cela quand il lui lança une pique concernant les vacheries entre filles. Masa’ haussa les épaules, l’air de rien, elle n’avait pas l’air de réagir à grand-chose en fait. Mais d’un côté, cela pouvait se comprendre, elle venait de se faire piquer ses fringues et la seule chose qui lui restait c’était sa serviette de bain, la plaie ! En tout cas, elle avait sans doute la tête à autre chose qu’à plaisanter à l’humour douteux de Kinzoku …
Elle avait également fini par lui donner le numéro de sa chambre, hésitant quelque peu avant. Il ne se demanda même pas pourquoi elle avait hésité, il s’en fichait complètement en fait. Comme il se fichait de tomber sur les colocataires de Nijina, si ça se trouve elles étaient les responsables de ce stratagème. En tout cas, les filles qui avaient fait ça n’avaient aucun courage, car elles n’affrontaient pas leur adversaire en face, se contentant de coups bas foireux. Il trouvait ça lâche et lamentable, mais si tout le monde devait penser comme lui, le monde ne serait pas tel qu’il est aujourd’hui, c’était un fait.
Il allait tourner les talons pour aller chercher des vêtements secs et propres à la jeune fille, mais celle-ci lança, provocatrice :

« bahh quoi elle te plait pas ma tenue ? »

Il se retourna vivement, s’avança vers elle et la fit reculer jusqu’à ce qu’elle se retrouve le dos collé contre le mur des douches. Là, il plaqua une main sur ledit mur, à quelques centimètres du visage de la jeune fille. Il approcha lentement son visage d’elle, la regarda d’un air mi pervers, mi méchant, et dit :

‘‘ Tu me cherches, là ? ’’

Il resta un instant ainsi, essayant d’intimider la jeune fille pour lui rappeler que lui aussi était un homme comme les autres avec ses pulsions et ses envies, et que si elle jouait à le provoquer ainsi il ne serait plus aussi gentil qu’il l’avait laissé paraître ces dernières minutes.
Finalement il recula, et tourna les talons. Tout en marchant, il lui rappela d’attendre ici et disparut au coin d’un couloir.
Il sortit du périmètre réservé aux sanitaires féminins et chercha l’internat des filles. Là, il pénétra dans le bâtiment et chercha la chambre en regardant bien les numéros inscrits sur les portes. Il n’eut pas de mal à trouver la 001 qui était logiquement la première de salles à trouver. Il enfonça la clé dans la serrure et ouvrit. Il entendit des cris apeurés de filles outrées de voir un garçon pénétrer ici. Il n’écouta même pas leurs remontrances et leurs menaces et se dirigea vers une armoire au hasard. L’une d’elle hurla, lui demandant ce qu’il comptait faire avec ses affaires. Haussant les épaules, il se dirigea vers une seconde et l’autre fille lui annonça que s’il comptait s’emparer de ses petites culottes pour aller fantasmer plus loin, c’était pas la peine d’y penser. Masa’ soupira et se plaça devant la dernière armoire, qu’il ouvrit.

‘‘ Qu’est-ce que tu fous avec les affaires de Nijina ? ’’
‘‘ Occupe-toi de tes fesses, tu veux, je t’ai rien demandé. ’’

Sec, simple et efficace. Il regarda dans l’armoire et opta pour un T-shirt à manches longues gris foncé, le genre large au niveau des bras et resserré aux poignets. Il opta pour un jean tout simple et lui récupéra aussi une paire de basket blanches du genre converse avec une paire de chaussettes. Il pensait qu’elle avait encore ses sous-vêtements avec elle puisqu’il avait vu les bretelles de son soutien-gorge dépasser de sous sa serviette, alors il se passa de fouiller ses dessous même si l’envie était tentante.
Il revint rapidement dans les salles de bains féminines et retrouva Nijina qui n’avait pas bougé d’un poil :

‘‘ Heureusement que je t’avais dit de m’attendre dans une cabine de douche ! ’’

Il soupira et lui tendit ses fringues.

‘‘ Allez, va t’habiller, je surveille qu’on ne vienne pas te refaire un sale coup ’’

Masamune Hasegawa garde-du-corps, on aurait vraiment tout vu.